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« Le Corps des songes », la création onirique de Nosfell

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@Valérie Archeno, Nosfell, dos

Nosfell, artiste, auteur, chanteur, multi-instrumentaliste et compositeur, présente une nouvelle création contemporaine, intitulée « Le corps des songes », au Centquatre à Paris, le 17 et 18 janvier 2020.

La création est souvent liée à des souvenirs, des périodes intimes de sa propre vie. Ainsi Nosfell s’est inspiré de ses rêves d’enfant qu’il racontait à son père. Cette retranscription l’a marqué et elle ressort aujourd’hui à travers ce conte à la fois onirique, chorégraphique et vocal.

La musique est à la base de sa création, il compose et écrit ensuite, ayant pour principal instrument sa voix. Quelques albums à son actif : Khayidilo (2003), PomaÏe Klokochazia balek, Kalin Bla Lemsnit Dunfel Labyanit (2006), Nosfell (2009), Amour massif (2014), Echo Zulu (2017).

Deux grands ensembles composent le spectacle, « Le corps des songes », défini comme une fantaisie lyrique. Nosfell défend avant tout la légèreté et l’amusement à travers l’art dans un pays imaginaire et à travers la création d’un langage inventé le « klokobetz ».

Le spectateur est invité à passer un moment rêvé, déconnecté de la réalité. La création musicale composée avec plusieurs artistes dont Dominique A et Xavier Machault qui ont écrit des chansons, est un appel à l’évasion, proche de la comédie musicale. La pièce est faite pour dix musiciens, piano, cordes, soufflants et  percussions, un synthétiseur modulaire et une voix. L’idée est de créer des paysages sonores minimalistes.

A cette musique, se mêlent le corps, le mouvement. Le corps entraîne la voix et vice versa. Les tatouages sur le corps de l’artiste en sont le principal costume.

Nosfell_Le-Corps-des-Songes-©MANU-WINO_HD
@Manu Wino, Nosfell, Le corps des songes

Interview de Nosfell

-Quand vous êtes vous lancé dans une carrière artistique ?

N : Je vois cette vie davantage comme un parcours. À 23 ans j’ai décidé de prendre le risque de passer du temps à écrire, travailler ma voix et ma musique, quitte à renoncer au logement et aux rentrées d’argent de mes périodes d’intérim. Chemin faisant, j’ai été repéré par quelques personnes motivées pour défendre ma démarche; aujourd’hui chacun de mes projets de disque ou de spectacle représente le même stress qu’au début. C’est un éternel recommencement. 

 

 -Quel domaine maîtrisez-vous le mieux, la musique, la danse, l’écriture, le chant ? Quel est le secret d’une bonne liaison de tous ces domaines artistiques ?

N : J’imagine que je suis plus en confiance lorsque je chante. Je me vois davantage comme un corps dansant que comme un danseur. Ça serait faire offense aux véritables danseurs. L’écriture de la musique et des paroles c’est autre chose; c’est l’isolement nécessaire, un temps d’introspection de rassemblement de soi-même. 

J’aime cette phrase de Theodore Adorno « Avec la liberté de celui que la culture n’a pas entièrement englouti, le vagabond de la musique ramasse le morceau de verre qu’il trouve sur la route et le tend vers le soleil pour en faire jaillir mille couleurs ». Ce fameux morceau de verre, avant de le tendre vers le soleil, vous entaille un peu la main, vous ne savez pas si vous pourrez le glisser dans votre poche sans la percer, ou bien malencontreusement blesser quelqu’un avec.

 

-Quel est le secret d’une bonne liaison de tous ces domaines ?

 N : Je ne crois pas qu’il y ait de secret. Ce qui me convient personnellement c’est la scène. Je tourne actuellement mon spectacle intitulé « Le corps des songes ». Ce spectacle est le dénominateur commun entre une partition musicale, un texte autobiographique, une chorégraphie, une scénographie. La scène c’est le lieu secret de tous mes désirs artistiques.

 

-Quelles sont vos collaborations artistiques les plus marquantes ?

N : Récemment j’ai eu la chance de travailler avec le typographe et graphiste Jérémy Barrault, avec qui je signe le premier volume d’un Codex dédié à la langue imaginaire dans laquelle je chante, et qui me vient de mon père. Globalement toutes mes collaborations passées m’ont marqué, comme des relations amoureuses intenses et formatrices. Je pense à ma collaboration avec Frédéric Gastard sur l’écriture de la partition musicale de mon spectacle « Le corps des songes ». Je garde toujours près de moi le travail déployé avec Alain Johannes sur mon troisième album. Alain est resté un ami proche. Je rêve de refaire un disque avec lui.

 

-Comment avez-vous construit le spectacle « Le corps des songes » et surtout votre personnage, tatoué sur le corps comme l’on porte un masque? Comment avez-vous envisagé le fait de donner vie à ces songes, à ces rêves ?

N : J’avais envie de proposer une ode à l’imaginaire comme outil de résilience.

 L’intime est un matériau que j’affectionne. C’est même une obsession. Une angoisse aussi; celle de tomber dans l’impudeur.

 

Quelle est notre langue première quand nous cherchons qui nous sommes, entre deux origines ? D’où vient la nécessité de créer son propre langage, et d’y voir une forme de survie?

Je veux parler de transmission. J’expose mon souvenir de l’enfant que j’ai été, à la recherche de confiance en soi, du courage de surmonter le trauma que j’ai subi, au sein d’une famille mixte qui peinait à se sentir riche de ses origines multiples.

 La partition musicale a été composée à partir d’un livret écrit au préalable dans une langue imaginaire, le klokobetz, que j’ai créée à partir de psaumes ésotériques que mon père me faisait apprendre par cœur.

À ma majorité j’ai fait tatouer sur mon dos un territoire imaginaire, que j’appelle Klokochazia, dont les contours m’avaient suivi durant toute l’adolescence.

Je chante la fantasmagorie, le folklore de ce territoire transposé au plateau, ainsi que des chansons en français qui viennent illustrer les percées du réel, à la manière d’une comédie musicale. Immergé dans des méandres de mystère et de noirceur, j’active les leviers d’un rite de passage.

Il y a dix ans sortait mon premier livre, « Le lac aux vélies », dans lequel je narre la naissance d’un mythe fondateur du pays de Klokochazia avec le personnage de Günel, un conquérant mal né.

Cette histoire s’insérait déjà dans une saga, qui connaît sa propre langue, sa topographie, ses contes, ses légendes et ses chants. Pour « Le lac aux vélies » j’avais adapté les chants liés à l’histoire de Günel, dans une orchestration symphonique, qui fut l’objet d’un enregistrement, sorti avec le livre, en 2009 aux éditions Futuropolis.

 La pièce musicale que nous avons composée avec Frédéric Gastard, pour « Le corps des songes », est une partition pour un orchestre réduit (piano, violoncelle, alto, percussions, saxophones, flûte, guitare et voix).

J’aimerais rendre hommage à deux oeuvres narratives majeures du 20ème siècle: « L’enfant et les sortilèges » (Ravel / Colette) et « L’histoire du soldat » (Stravinsky / Ramus). 

Je chante ici l’histoire du personnage Nosfell décidé à traverser la mystérieuse forêt de Süanij, raccourci idéal mais très risqué, qui lui permettra de prévenir les contrées du sud de l’arrivée de l’envahisseur. Chaque thème musical développé représente un personnage, un territoire, un fantôme, que ma voix et mon corps tentent d’interpréter sur scène. 

De plus, trois chansons en langue française apparaissent au coeur du spectacle. Chaque texte est issu d’entretiens que j’ai initié avec Dominique A, Xavier Machault et Donia Berriri. Je leur ai raconté mon histoire, qu’ils ont retranscrit  avec leurs propres mots et sensibilité. 

J’ai eu envie de mettre en regard deux esthétiques musicales, en espérant arriver à faire qu’elles se complètent. La fantasmagorie d’un côté et la chanson de l’autre.

Je viens de la musique populaire. Le besoin viscéral d’engager mon corps hors des codes m’a toujours poussé à chercher des idées afin d’occuper la scène autrement. Le trauma que je raconte dans cette histoire a nécessité différents états de corps. J’ai collaboré avec Clémence Gaillard et François Chaignaud pour les chorégraphies.

 Avec Nadia Lauro, nous avons choisi de retranscrire la carte tatouée dans mon dos, au plateau, en lui offrant le rôle d’un corps-territoire, convoité, fétichisé, souillé et reconstruit.

Mon parcours tout au long du spectacle complète ce territoire, le rend lisible ou le déforme. Je fais trace dans cette scénographie entropique. 

Comme une carte mystérieuse en perpétuelle évolution, nous donnons à voir les sas interminables de l’imagination. 

Les reliefs de cette terre en devenir permettent de se grandir ou de se cacher, de s’y reposer.

La scénographie de Nadia Lauro constitue à la fois un espace de protection et une prison. L’interprète y est pris au piège dans le chaos des routes, confronté tour à tour au souvenir de son bourreau ou à un Grand Autre adjuvant équivoque. 

  Avec Éric Martin, nous partageons un fort intérêt pour le conte, et notamment les différentes formes associées aux contes populaires. Ceux qui ont longtemps traversé les traditions orales, avant d’être circonscrits dans les carnets des frères Grimm, de Jon Arnason ou de Claude Lecouteux. 

Ces formes visuelles ont aussi traversé les âges, des premières gravures anonymes jusqu’à Miyazaki Hayao en passant par Walt Disney. 

Pour Le corps des songes, j’imaginais un costume qui puisse me permettre à la fois d’incarner un monstre, mais aussi d’être dévoré, annulé totalement.

Éric a travaillé sur une forme modulaire, un ensemble construit à partir de pièces ayant une valeur pour elles-même, et auxquelles je m’efforce de donner vie dans le spectacle.

L’aspect global devait être enfantin, mystérieux et terrifiant, grotesque et lugubre. Aussi je tenais à ce que le visage puisse s’effacer, de manière à rendre la bête anonyme, et la victime aussi. Cette chimère existe depuis la nuit des temps et continuera à traverser nos vies. 

L’interprète est à la fois, un satyre, un monstre de foire, une divinité, un enfant s’extirpant du ventre du loup, l’ensemble des mythes d’une religion imaginaire …

Le travail d’Éric Martin s’inspire aussi des costumes traditionnels des mascarades, déployés lors des changements de saison, des mues des paysages et des animaux. Il nous sert à l’expression d’un rite de passage.

Le grotesque et le monstrueux trouvent leur inspiration dans les torsions et les soubresauts des images animées de l’artiste Ray Harryhausen, dont les effets spéciaux restent une référence essentielle pour nous.

thumbnail_Nosfell_Le Corps des Songes ©MANU WINO_HD.12
@Manu Wino, Nosfell, Le corps des songes

« Le corps des songes »,

Nosfell

Au Centquatre, Paris

5 rue Curial, 75019 Paris

Le 17 et 18 janvier 20120

 

Conception, écriture, performance, composition musicale Nosfell « Süanij (dans la forêt du songe) » composé et orchestré par Nosfell et Frédéric Gastard

« Ici le sable » écrit et composé par Donia Berriri

Concept et réalisation scénographie Nadia Lauro

Co-auteur des textes des chansons Dominique A et Xavier Machault

Regard chorégraphique François Chaignaud

Dramaturgie Tünde Deak Regard extérieur-assistanat Clémence Galliard et Anne Lenglet

Création son Nicolas Delbart Lumière Yannick Fouassier

Conception costumes Eric Martin

Réalisation costumes Marion Egner

Développement typographique Jérémy Barrault

Régie générale et régie lumière Chloé Bouju Régie son Maxime Drouot

 

Production, Les Indépendances

http://www.lesindependances.com

 

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