
Pour la 3ème édition du Prix Caritas Photo Sociale, présidée par le photographe Mathieu Pernot, une exposition est organisée à la Galerie Vu’, avec les travaux photographiques du lauréat, Cyril Zannettacci, photographe membre de l’agence Vu’, avec la série « Parler à ceux que l’on n’écoute jamais », et les finalistes, Karen Assayag avec « Ce qu’il reste au fond de moi » et Pierre Jarlan, avec la série « Ici et demain « .
Du 13 au 28 janvier 2023, à la Galerie Vu’, à Paris.
Ce prix a été lancé par le réseau Caritas France, présidé par le Secours Catholique, en 2020, pour aider la photographie, et en particulier les jeunes photographes qui s’intéressent à des sujets communs comme la pauvreté, l’exclusion, et la précarité en France. Il est aussi soutenu par le collectif Fêtart, spécialiste de la photo émergente, organisateur du festival photographique Circulation(s) et par la Fondation Picto.
Le photographe Mathieu Pernot, reconnu pour ses travaux photographiques sur la photo sociale préside cette édition, soutenu par les membres du jury, des professionnels du monde de la photographie et d’experts de la lutte contre la pauvreté du Réseau Caritas France.



Ce thème est aujourd’hui très présent dans la photographie et de nombreux photographes ont posé leur regard sur des faits marquants actuels. Ainsi, Cyril Zannettacci s’est intéressé à une unité de soins pour sans-abris touchés par la Covid-19, le CHAPSA ( Centre d’hébergement et d’Assistance aux personnes sans-abris, à Nanterre).
Karen Assayag s’est penchée sur les femmes en situation de grande précarité. Pierre Jarlan a choisi de mettre en avant les espaces de vie et les projets de jeunes migrants mineurs.

Interview : Cyril Zannettacci
– Pourquoi avoir choisi la photographie comme moyen d’expression ? Est-ce bien justifié ici par votre participation à ce prix Caritas photo Sociale ?
CZ: La photographie est un médium qui me correspond. Je ne suis pas très bavard. Pour parler à plus de gens que mon cercle d’intime, si j’avais dû choisir, je serai allé vers celui-ci ; exactement ce que je fais aujourd’hui. La photographie est apparue comme une évidence. Mon environnement familial m’a également influencé. Mon grand-père était journaliste. Je l’ai toujours vu avec un appareil photo ou une caméra super 8. Rédacteur de métier, il a toujours fait des images, fixant des moments de vie. Il faisait des projections chez lui. Voir ses images était magique. L’envie de faire de la photographie est venue de là.
Mon apprentissage de la photo a commencé au contact de grands photographes de mode. J’ai été assistant pendant de nombreuses années et j’ai appris dans les studios toute l’esthétique de l’image, l’éclairage et la technique.
Lorsque j’ai commencé à faire mes propres photos, je suis sorti du milieu de la mode et de la publicité. Je me suis dirigé vers le photojournalisme. Je suis un des photographes régulier du journal Libération, depuis 2011. J’ai commencé à partir de là à faire de la photographie sociale.
Ce sujet là était au départ un reportage pour Télérama. J’ai travaillé avec Romain Jeanticour qui a écrit les textes. Le lieu est très fermé au départ, la directrice nous l’a ouvert et nous avons pris conscience de l’importance de ce sujet que nous avons traité non comme un reportage mais comme un document. Le sujet se prêtait parfaitement avec le Prix Caritas Photo Sociale. En accord avec l’agence Vu’, nous y avons participé. J’ai donc remporté le prix.
– Votre principal thème photographique est le social, le réel. Qu’est-ce qui vous motive dans vos démarches, vos sujets?
Dernière série « Parler à ceux que l’on n’ écoute jamais »
CZ: Je suis motivé par l’honnêteté des sujets que je vais traiter. Objectivité et parti pris, sont les mots employés lorsqu’on est journaliste ou encore impartialité. J’assume le fait de ne pas être quelqu’un d’impartial. Lorsqu’on choisit un cadre ou que l’on montre une certaine réalité, nous prenons une position en tant que journaliste mais aussi en tant que citoyen. J’aime documenter la vie des gens.
Dans mon travail, je suis photojournaliste et portraitiste, je ne souhaite pas m’enfermer dans une seule pratique de la photo. L’aspect social m’intéresse beaucoup mais pas seulement ; j’ai des projets purement plasticiens, sans fond social. Le portrait est réellement une création, une rencontre avec une personne.
Les sujets sont parfois personnels. C’est une volonté de travailler sur un lieu, un choix. J’ai travaillé, sur un squatt de sans-papiers d’à peu près deux mille personnes, dans le 18ème à Paris. J’ai voulu documenter ce sujet. J’y ai passé beaucoup de temps sur une durée de trois mois. J’ai fait des photos et enregistré des sons. Ce travail là a donné lieu à une exposition.
D’autres sujets peuvent être des commandes de presse ou d’ONG.
-Comment avez-vous abordé ce thème la Covid-19? Que retenez-vous de votre expérience sur le terrain ?
CZ: Le CHU, centre d’accueil, est un lieu assez fermé, difficile d’accès. Pendant douze heures , les personnes peuvent y rester, passer la nuit et passer une visite médicale avant de repartir. Lors de notre venue, période post Covid-19, le centre fonctionnait différemment. Un peu plus de cent usagers étaient là, y résident de nombreux jours. La chef de service nous a permis d’y entrer. Elle avait envie de montrer ce lieu avec ses dysfonctionnements. Nous avions cinq jours avec Romain pour réaliser notre reportage. Nous avons alors pris conscience de l’importance de ce moment et nous l’avons abordé comme un document. En cinq jours, j’ai fait un maximum de photos.
Ce lieu donnait un peu l’impression d’être un centre carcéral car il est dénué d’humanité. Lieu très austère, de grands couloirs donnent sur des pièces simples sans décoration murale. Pour des personnes en grande précarité et en grande détresse, il nous a semblé très violent. Romain Jeanticour a eu des rendez-vous avec différentes personnes des RH pour recueillir leurs propos. De mon côté, je me suis fondu dans la masse pour faire les photos. Chacun était dans son univers et ses recherches. La temporalité de cinq jours m’a permis d’avoir une carte blanche. Ce temps s’est avéré trop court pour nouer des liens avec les gens. J’ai donc pris le parti pris de traîner avec eux dans les couloirs et d’être parmi eux. Je n’ai pas focaliser sur des personnages. J’ai parlé du lieu. J’ai le sentiment que ces centres devraient être montrés et non cachés. Certaines personnes aujourd’hui sont en grande détresse. On se rend compte que ce centre d’accueil, lieu public, est dénué d’humanité. Le personnel est très investi et dévoué mais les moyens restent moindres. Il devrait y en avoir plus d’attention pour ces gens.
« Parler à ceux que l’on n’écoute jamais » est un titre que j’ai choisi, inspiré par ce lieu. Il avait été inscrit sur un des murs par des usagers. Je l’ai photographié, la phrase résume la démarche.

Exposition 3ème édition du Prix Caritas Photo Sociale
« Parler à ceux que l’on n’écoute jamais »
Cyril Zannettacci
« Ce qu’il reste au fond de moi » de Karen Assayag et « Ici et demain » de Pierre Jarlan
Du 13 au 28 janvier 2022
VU’/ Hôtel Paul Delaroche
58 rue Saint-Lazare, 75009 Paris
Vernissage le 12 janvier 2022 (18h30)
En 2022: dotation de 4000 euros
Exposition à la Galerie le Château d’eau à Toulouse, jusqu’au 31 décembre 2022.
« Parler à ceux que l’on n’écoute jamais »
Livre photographique, Filigranes éditions, texte introductif par Romain Jeanticour

http://www.reseaucaritasfrance.org/prix-caritas-photo-sociale
