
« Artiste de l’urbain », Sébastien Mehal se définit lui-même comme tel depuis ses débuts dans l’art. De la peinture à la photographie, de l’infographie à la sérigraphie, il développe et maîtrise différentes techniques très pointues qui rendent ses œuvres singulières.
Deux expositions en parallèle, une série de portraits de citoyens du monde avec « Un portrait pour deux », un solo show accueilli à la galerie Lelia Mordoch, du 14 octobre au 3 décembre 2022 et « Tondo », à la galerie Simon Madeleine, du 11au 23 octobre 2022.
Sébastien Mehal, originaire de la Martinique, suit des études d’architecture. Cet apprentissage lui donne la logique et la rigueur nécessaire à son travail d’artiste.
Il s’intéresse au monde urbain, au métissage qu’il repousse dans ses œuvres aux limites de l’abstraction, inspiré par le changement urbain et le phénomène de construction-reconstruction ou dé-construction de sa ville natale, du bidonville de Trenelle qu’il observait tout jeune depuis sa résidence. Il apercevait au loin les lumières et se demandait quelle vie se trouvait sous chaque ampoule.
De nombreuses expositions à Paris, à New York, en Martinique et en Europe.

« Un portrait pour deux » présente douze portraits colorés. Il interroge les notions de migrations et de mobilités géographiques à travers des visages.
Sa technique particulière part de la photographie, puis l’infographie et la peinture à la seringue, et l’utilisation de pigments de l’industrie automobile.
Le mélange des traits de plusieurs personnes d’origines différentes ne montre qu’un seul portrait, apparaissant et disparaissant selon la lumière; un rappel de la mobilité contemporaine. À travers son œuvre, il traite les thèmes de la mixité, des origines, des sexes, de l’androgynie.

2022, acrylique, pigments métalliques, projection seringue sur toile, Paris 2019 – 200 cm
« Rotondo », est une première exposition de la série de tondos grand format.
Le tondo est hérité de la tradition picturale de la Renaissance italienne (Tondo Doni de Michel-Ange).
Sébastien Mehal utilise le support circulaire, rarement employé par les artistes pour sa complexité formelle. Sa contrainte pour une composition en harmonie avec l’espace architectural, est l’élément géométrique, sans angle, sans repère.
Cette série aborde différents thèmes : les frontières et les déplacements, l’histoire coloniale et le métissage , la citoyenneté et le mélange des cultures.
Les tondis exposés : les Hublots rayés de grands bandes de couleurs, celles des drapeaux internationaux.
Les expositions auront lieu pendant Paris + by Art Basel.

Interview: Sébastien Mehal
– Comment définiriez-vous votre style artistique ? Quelles sont vos influences ?
SM: Le monde urbain est mon univers.
Avec ma formation d’architecte et de réalisateur de films, je me définis comme artiste urbaniste, un mouvement nouveau. Je travaille sur la complexité en zone habitée. Il ne s’agit pas de street art. C’est un travail pensé par rapport à la complexité de la société, architectural, sociologique, psychologique. Le sujet est autour du développement et de la modernité de l’urbanisation.

– Quelles sont les caractéristiques de la série « Un portrait pour deux »?
SM: À mes débuts, je photographiais des gens dans la rue, puis j’utilisais ces tirages pour réaliser de l’infographie. J’ai commencé à fusionner les images, ces portraits, ces photos de famille recomposée, de personnages. Ce travail, commencé dans les années 1999-2000 était une preuve de tolérance, de recomposition, de mélange des cultures. Par la suite, il s’agissait plus de géopolitique.
Cette série comprend donc différents portraits. Là, j’ai travaillé avec différents codes couleur, liés à la mappemonde et par rapport à ma sensibilité personnelle en relation avec notre vision du monde aujourd’hui, dans les yeux de chacun. Le diptyque a un code couleur qui fait partie d’un choix personnel. J’ai l’impression d’être un peu avant-gardiste avec ce sujet.
Depuis une dizaine d’années, ce travail a explosé. Il aborde l’abstraction, la figuration, la cinétique. Ce travail demande beaucoup de recherches. Les gens ne le voient pas au départ. Je travaille à la seringue.
Dans un premier temps, on voit une oeuvre très abstraite. Selon le mouvement du spectateur et la lumière, le portrait apparaît et disparaît. Le pigment capte bien la lumière. On ne se lasse jamais de l’oeuvre car elle est changeante. Ce sont de grands formats, de la taille moyenne d’un homme, 180 cm.
Je parlerais de mixité dans le sens où l’oeuvre est deux en une. Deux composés de deux couleurs et un semblant de séparation créent l’équilibre de l’oeuvre. On dépasse le côté identitaire, la carte, format standard et la couleur entre en jeu.
Douze portraits sont présentés car il y a douze mois, douze heures, un moyen de faire le tour du monde, douze cultures différentes, douze ethnies, douze métissages. Le chiffre reprend l’idée d’aller vers l’avant; un projet réfléchi que je travaille depuis vingt cinq ans.
La mixité se retrouve aussi dans la matière, j’utilise des pigments naturels, des pigments industriels. Il y a un travail de photographie, de rencontre. De la photo, je passe à l’infographie qui donne toute la modernité à ce travail, ce mélange de visages. Le contour reste dominant. Je fais ensuite une impression sur toile, une impression en sérigraphie et je réhausse la peinture à la seringue. Entre l’impression et la peinture, il y a six techniques, six médias d’art différents. On passe par plusieurs étapes de l’histoire de l’art, ce qui rend cette oeuvre singulière.

-« Tondo », une autre démarche, de quoi vous-êtes vous inspiré ?
SM : Le tondo est un rond, un format circulaire, assez complexe dans l’espace. L’exposition s’appelle « Rotondo ». On est complètement dans l’abstraction, avec des oeuvres qui se situent dans la figuration. Le Rotondo rappelle la Renaissance, utilisé par les mouvements italiens de cette époque.
Je présente cinq tondos de deux mètres de diamètre. La difficulté est d’intégrer la géométrie dans une forme circulaire et de trouver l’équilibre.
« Orthocentre » est le premier tondo. Je parle du centre du système, où se trouve t-il socialement et sociologiquement ?
Une deuxième oeuvre parle de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis. Je l’ai réalisée sur des champs de cannes. Une oeuvre est au salon de la Paix, liée à l’histoire actuelle. Le palais de Versailles est divisé en deux, le salon de la guerre et le salon de la paix et il y a un lustre qui ne réagit qu’avec la lumière. J’ai repris de cette salle les dorures et les miroirs.
« Façade architecturale » est un monochrome sur l’architecture.
« Hublot » est représenté par un rond, avec une influence de la culture coréenne, de la magie ancestrale des couleurs.
Cette exposition est minimale, avec de grandes œuvres qui retracent plusieurs histoires, celle de France, celle de l’esclavage, de la tolérance et de l’architecture. Reprendre des sujets du passé fait la modernité de cette exposition.
Ce projet muséal comprend une vingtaine d’oeuvres que je prépare depuis quelques années.

« Un portrait pour deux »
Galerie Lélia Mordoch
50, rue Mazarine
75006 Paris
Du 14 octobre – 3 décembre 2022
Vernissage le jeudi 13 octobre 2022, de 18h à 21h
« Rotondo »
Galerie Simon Madeleine
7, rue des Gravilliers
75003 Paris
Du Mardi au samedi de 14h à 19h
Commissaire d’exposition Anna Sansom
Du 11 au 23 octobre 2022
Vernissage le 15 octobre 2022
http://www.mehal.net