
Pour sa deuxième édition, le Prix Caritas Photo Sociale, présidé par Sarah Moon, a été attribué à Victorine Alisse, pour son travail photographique, documentaire réalisé avec JS Saia intitulé « Au grand air ». Il s’agit de leur dialogue, au sujet des personnes en marge de notre société.
A cette occasion, une exposition aura lieu, à la Fabrique de la solidarité, en partenariat avec la Ville de Paris, du 20 mai au 1er juillet 2022.
Ce prix a été lancé par le réseau Caritas France, présidé par le Secours Catholique, en 2020, pour aider la photographie, et en particulier les jeunes photographes qui s’intéressent à des sujets communs comme la pauvreté, l’exclusion, et la précarité en France. Il est aussi soutenu par le collectif Fêtart, spécialiste de la photo émergente, organisateur du festival photographique Circulation(s) et par la Fondation Picto.
Victorine fait partie du collectif Hors format, créé en 2020.
Elle entre dans l’intimité des personnes qu’elle rencontre.
« J’ai voulu que tu imagines par toi-même ce que j’ai pu vivre à certains endroits. J’ai tenté de te faire comprendre ce que signifie être à la place de” (JS Saia).
Ainsi dans ce projet, ils posent leur regard de façon poétique et sensible, sur un lieu connu de JS Saia qui vivait dans le bois de Vincennes, en combinant textes et images. Un livre a été édité aux éditons Filigranes en décembre 2021.

Interview : Victorine Alisse
-D’où vient votre passion pour la photographie journalistique ? Comment avez-vous commencé ?
VA: J’ai toujours été sensible à l’image. Je regarde avec plaisir les albums de famille. Depuis toute petite, ma sensibilité pour la photographie n’a cessé de se confirmer. Mes études portaient sur l’action humanitaire, les relations internationales. Mon intérêt se portait sur les problématiques liées aux droits de l’homme, à la recherche de justice, aux personnes qui vivent en situation complexe, en marge. C’était important pour moi d’en parler.
Après un voyage en Amérique latine, j’ai fait le rapprochement entre parler de ce que vivent les personnes en marge et ce rapport plus intime à la photographie, à l’image. Le photojournalisme et la photographie permettent d’aborder tout cela, de parler de sujets que je trouve importants. De raconter des histoires sur ces gens mais aussi d’avoir ce rapport intime à la photographie et créer une relation intime avec ceux que je rencontre. Ce sont réellement les raisons pour lesquelles je fais ce métier. Je suis dans une démarche d’écoute et de compréhension. La rencontre est très importante dans mon travail.
– Vous portez un regard attentif sur le monde. Pourquoi avoir choisi jusqu’ici des sujets sociaux? Qu’est-ce qui vous motive (collectif Hors format)?
VA: Le choix de mes sujets est lié à ma personnalité. La solitude, les minorités, les personnes à part, sont des thèmes qui me touchent. Cela pourrait être moi. Naturellement, j’ai envie de mieux comprendre. Cela part vraiment de quelque chose de très personnel. Une population peut se retrouver à part pour plusieurs raisons. Le photojournalisme permet de raconter cela et d’en chercher les raisons. Je fais effectivement partie du collectif Hors format. Nous sommes huit, tous ancrés dans la photographie documentaire. Nous réfléchissons à d’autres formats et d’autres manières de raconter des histoires, en ajoutant du texte, des vidéos. Nous sommes sensibles à la question de l’engagement dans nos travaux.
-Lauréate du Prix Caritas Photo Sociale avec JS Saia, quel est vôtre ressenti ?
VA: Une vraie surprise ! Nous ne nous y attendions pas du tout. Ce travail n’était pas voué à être présenté. Nous avons candidaté seulement pour ce prix. Ce travail est très personnel, c’est une recherche également. Il s’agit bien là d’une discussion photographique dans le sens où nous avons croisé nos regards en assumant le fait que nous étions dans deux situations différentes ; j’habitais Vincennes dans un appartement et JS vivait dans le Bois de Vincennes. Il y a eu beaucoup de pudeur dans nos échanges et nous avons pris le temps. Chacun avait son appareil photo. Cela nous a permis d’avoir des discussions sans prendre de photographies. La photographie permet d’aller au delà de ce que l’on voit, de parler avec sincérité. Pour nous, recevoir ce prix était complètement inatendu.
– « Au grand air » documentaire a été réalisé avec JS Saia, comment s’est déroulé votre collaboration ? Quel est votre message?
VA: Ce projet m’a permis de travailler avec JS Saia. Nous nous sommes rencontrés via l’association La Cloche où il a été mon formateur sur comment aborder les gens de la rue. Quelque chose m’a beaucoup touché chez lui, sa simplicité, un homme sans artifice. Il était passionné par la photographie. Nous avons commencé à prendre des photos dans le parc de Bercy.
Les contraintes que JS m’a posées m’ont permis d’être plus créative. J’ai pu comprendre ce qu’il vivait. Travailler de cette façon là est une réussite. J’ai pu creuser cette thématique, vivre dans la rue. Une connexion s’est réellement créée entre nous et nous avons passé des moments hors du temps. il y avait beaucoup de poésie dans son travail et j’ai compris que le sujet n’était pas de vivre dehors mais bien en parler en image, de façon poétique. D’où le titre « Au grand air ».
– Quels sont vos projets?
VA: Mon prochain projet est sur la thématique du monde agricole, plus précisément ses transformations. J’ai fait un travail pendant deux ans en France sur la transmission des fermes familiales et leur disparition. Je poursuis ce travail en Israël et en Palestine où j’ai réalisé un documentaire photographique.
Interview : JS Saia
-Quand avez-vous décidé de vous lancer dans ce projet ? Votre rencontre avec Victorine?
JSS: Je faisais partie de l’association La Cloche, association qui lutte contre l’exclusion des personnes sans domicile.J’y ai rencontré Victorine. J’ai même était son formateur. Nous avons échangé au sujet de la photographie et nous avons décidé de travailler sur ce projet ensemble. Le défi était de ne pas trop faire de clichés de la rue. Ainsi, nous avons axé notre sujet sur mon environnement, le bois de Vincennes et le parc de Bercy. Victorine m’a prêté un appareil photo numérique et j’ai finalement préféré un Kodak avec lequel j’ai pris toutes mes photos.
Cette belle aventure nous a rapproché, nous sommes devenus amis.
-Le bois de Vincennes est un lieu que vous connaissiez. Comment avez-vous fait le choix de vos angles photographiques?
JSS: Le parc de Bercy et le bois de Vincennes sont des lieux que je connais pour y avoir vécu. J’y avais mes habitudes, mon voisin. Trouver des angles photographiques était pour moi assez évident. J’ai proposé de ne pas prendre de photos clichés mais plutôt de trouver des prises de vues sensibles, différentes. Les textes et légendes ont été ajoutés à l’image pour la rendre plus accessible et pour lui ajouter du sens. Le support écrit apporte de l’originalité. Chacun a écrit sur ses propres tirages.
-Avec beaucoup de sensibilité, vous avez raconté une histoire. Quel est votre photo favorite et pourquoi ?
JSS: « Au grand air » décrit cette énergie à vivre dehors, au grand air. J’ai trouvé cela plus parlant, une façon imagée de parler du non logement. J’ai voulu placer la nature au centre du sujet et non l’homme. A travers cette œuvre artistique, je parle des mals logés.
Nous avons réalisé onze photos chacun. Dans le livre, il y en a plus. Toutes les photos sont belles et parlantes.
« La maison des insectes » est ma photo favorite. Cette photo a beaucoup de sens, j’y ai écrit « … à quand notre tour… » pour dire … à quand une maison pour nous…pour les copains de la rue.
– Que pensez-vous du prix? Avez-vous commencé d’autres projets ?
JSS: Ce prix est une sacrée récompense, je suis très touché. Au départ, Victorine m’a demandé si je souhaitais participer au concours Caritas photo Sociale. J’ai accepté. Elle me tenait informé des résultats, au fur et à mesure des éliminations. L’étau se resserrait jusqu’à finalement finir premier. Nous l’avons reçu en Arles, durant les Rencontres Photographique 2021. Un livre photographique est sorti au même moment.
Nous avons ensuite présenté notre travail au festival photo de Perpignan, sélectionné pour le concours. Notre série y a été projetée. Puis nous avons exposé à Toulouse.
Une suite à notre travail photographique se prépare avec Victorine.

Prix Caritas Photo Sociale
« Au grand air »
Victorine Alisse et JS Saia
Lauréats 2021
Exposition du 20 mai au 1er juillet 2022
Vernissage jeudi 19 mai 2022
https://victorine-alisse.format.com/
Instagram : victorine_alisse_
www.pictofoundation.fr
www.fondationcaritasfrance.org
Association La Cloche
https://www.lacloche.org/