Le photographe, riche d’une œuvre déployée sur cinquante ans, reconnu pour son travail sur la lumière, expose une sélection de photographies intitulée « Midi et quart » à la galerie Thierry Bigaignon, à Paris, du 8 septembre au 10 novembre 2018.
La galerie, dédiée à la photographie, propose des expositions d’artistes de prestige. Pour ce projet, Thierry Bigaignon, a choisi dans la série « Heures blanches » des photographies argentiques réalisées entre 1980 et 2000.
Partant d’une observation attentive de son environnement urbain, Yannig Hedel est un photographe révélant sa sensibilité à la lumière et captant toutes ses nuances pour réaliser des photographies exceptionnelles. Profondeur, traits, ombres, une composition bien pensée révèle alors un cheminement intériorisé.
Il a pratiqué l’architecture pendant des années, se considérant comme un dessinateur plutôt qu’un photographe. Paradoxalement, la photographie lui a pourtant permis de créer un univers personnel plus sensible qu’avec le dessin. Ainsi, Les prises de vue, tout en nuances de gris, tendent vers l’abstraction. Elles sont pourtant bien réelles.
Dans son parcours, il montre son attachement à la ville, la lumière et les espaces silencieux que l’on trouve par exemple dans l’architecture des années 30 ou les abbayes cisterciennes.
Son regard photographique est original. Sa technique particulière lui a permis de se singulariser et de montrer dans des lieux et des musées célèbres les différentes séries « Heures blanches », « De labore solis », « L’obélisque d’Arles», « Le Monolithe », etc…
Si un déclic photographique lui semble toujours trop rapide, il déploie ensuite du temps et de la patience pour obtenir un résultat optimal. Sa ténacité le conduit également à reprendre son œuvre passée. La photographie n’est plus ce qu’elle était car le numérique, prenant le pas sur l’argentique, pousse tout photographe à l’envisager autrement. L’utilisation de Photoshop a changé la donne.
Ainsi, Yannig Hedel réutilise parfois sa production argentique pour raconter autre chose.
Pour cet artiste, l’important est de créer une œuvre. Elle est la concrétisation du parcours d’une vie; comme chez Soulages, où l’on peut observer une recherche évoluant au fil du temps durant des décennies.
Parmi les œuvres et les lieux fétiches, Yannig Hedel a un attachement particulier pour la ville d’Arles. Attiré par la lumière, les monuments, il expose notamment au Musée Réattu. (L’Obélisque, en 2000). Il y fait des rencontres déterminantes. Il expose aussi à l’étranger, notamment au musée de l’Elysée, à Lausanne. Avec une trentaine d’expositions personnelles et la participation à des festivals, il a exposé dans toute l’Europe.
« Les éclats blancs », Yannig Hedel, (Galerie Thierry Bigaignon)
Interview de Yanig Hedel
-Comment avez-vous commencé la photographie ?
YH : J’ai commencé la photographie tardivement et Je me suis toujours senti plutôt dessinateur. Débuts à 23 ans donc, car j’avais sous la main un appareil photo que j’avais offert à la personne qui vivait sous le même toit que moi dans les années 70. Depuis, Je considère néanmoins que je fais du dessin avec un appareil photo.
A l’époque, je gagnais d’ailleurs ma vie en dessinant des perspectives d’ambiance ou architecturales. Le soir, je participais à des ateliers de modèles vivants. La photographie m’a pourtant permis de créer un univers paradoxalement plus personnel que le dessin.
-Lorsque l’on s’intéresse à votre biographie, on découvre une œuvre riche, plusieurs expositions et participations à des festivals de photo. Quel est votre souvenir le plus marquant ?
YH : En juillet1986, je découvre les jardins de l’Arlatan, au coeur d’Arles. Ensuite, ils se sont longtemps avéré être ma « meilleure galerie ». Cette année là, par exemple, en y montrant un portfolio à Wolfram Janzer, « mon jumeau photographe » venant de Stuttgart, j’ai permis à Madeleine Millot-Durrenberger de retrouver des photos qu’elle avait déjà repérées dans un catalogue de la BNF (J.C. Lemagny). Wolfram m’avait dit que mes photos lui rappelaient les peintures de Geneviève Asse (alors peu connue). Madeleine m’avait invité à déjeuner le lendemain matin, dans son logement de Trinquetaille, où elle m’a acheté les premières photos. Par la suite, les projets et les rencontres se sont multipliés dans cette ville.
-L’architecture est à la base de votre œuvre photographique. Quel rapport trouvez-vous entre les deux domaines ? Envisagez-vous la photographie comme une œuvre structurée ayant besoin de lignes, de traits ?
YH : En 1977, une photo du palais de la Foire de Lyon figurait dans ma première exposition. (place Bellecour). En la découvrant, Henri Jaboulay, un ami peintre, m’affirmait qu’elle lui rappelait les peintures de Mondrian : le plus beau compliment qu’on pouvait me faire.
Cependant, je ne vois pas mes photos comme de la photographie d’architecture car je ne cherche pas à privilégier l’information ou la valeur documentaire.
-« Heures blanches », «Arles », « Lueurs, « Pignons », « Formes et figures », tous les thèmes abordés sont centrés sur les monuments, les espaces urbains, les façades, les murs. Quel est votre moteur ?
YH : La ville m’a toujours captivé. Longtemps, elle a été mon « gagne-pain » (divers emplois chez des architectes ou des services d’urbanisme) et mon « jardin secret » : flâneries dominicales, appareil photo en main.
Depuis que je ne peux plus arpenter la ville pour des raisons physiologiques, j’ai porté plus d’attention à la lumière naturelle subtilement captée par certains musées ou autres lieux d’expositions comme la Villa Noailles (Hyères) ou la Villa du Parc (Annemasse). J’arrive donc toujours à traduire ma fascination pour la lumière naturelle, même si maintenant je la trouve dans des lieux clos et silencieux.
-La lumière a une importance capitale en photographie. Elle est au centre de votre travail photographique. Quel est votre technique ?
YH : J’aime la lumière des abbayes cisterciennes, comme le Thoronet ou la basilique de Vézelay… les réalisations des « années 30 », parce qu’elles captent la lumière comme dans une peinture de De Chirico.
Au début des années 80, je me suis aperçu que le ciel avait beaucoup d’importance dans mes photographies, mais il était plat et fade. J’ai donc mis un filtre rouge sur mon objectif.
J’ai découvert alors que le camaïeu rose aperçu à travers le viseur, m’invitant à m’immerger dans l’image, me permettait de composer cette image monochrome « noir et blanc » dès la prise de vue, attachant notamment une attention particulière au cadrage.
-Pour cette exposition à la galerie Thierry Bigaignon, comment avez-vous fait le choix de vos photographies?
YH : Thierry a fait son choix (plutôt chronologique) dans ma série
« Heures blanches ». Les photographies ont été réalisées autour des années 80.
Le titre choisi, « Midi et quart » fait écho à la lumière à cette heure-ci, à midi, là quand l’intensité lumineuse est forte. Echos aussi à l’importance du temps, la précision de l’heure, avec des vues trouvées dans un environnement quotidien.
« Monolithe », Yannig Hedel, (Galerie Thierry Bigaignon)
« Midi et quart »,
Exposition photographique des œuvres de Yanig Hedel
A la galerie Thierry Bigaignon
9 rue Charlot, 75003 Paris
Du septembre au novembre 2018
https://yannig-hedel.jimdo.com/
Publications :
– « Heures blanches », aux éditions Paroles d’Aube/ BM Lyon
« Arles soleil tournant » aux éditions Actes Sud/ Musée Réattu